30 août 2008
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... Non! De la vie, bruyante certes, mais de la vie.
"Il devrait faire chaud à Mayotte aujourd'hui. Il fait toujours chaud à Mayotte."
Mais là, il fait assez frais, vu que la lune ne va pas tarder à nous montrer son sourire étoilé. Les grosses chaleurs ne sont pas encore arrivées, alors on s'active.
Dehors, dans le village, c'est le bronx auditif, un mélange de sons qui se rencontrent, et qui explosent n'importe comment, juste pour faire du bruit. Et quel bruit !
Si vous voulez le vivre, voici ce qui parvient à mes oreilles.
Du plus éloigné au plus proche, arrive lentement et en basse le long beuglement lugubre d'un zébu, puis rapides et rythmés, des coups de marteaux sur la tôle; un chant de coq répétif qui tient le tempo, ensuite assez espacé, à la manière d'une grosse caisse, voilà le pilon qui s'écrase lourdement sur la farine; un moteur a du mal à démarrer, le disque est rayé, silence, le vent fait chanter les feuilles de bananiers, et les tôles sur les toits.
Le scooter est parti, on reprend. Non, place au muezzin, entracte.
Fin de l'entracte.
Des pieds se traînent sur le sol, les voix arrivent, graves et masculines, shimahoraises, palabres sérieuses entre-espacées de rires. On appelle un prénom suivi de ce "Ko" (viens), répété plusieurs fois et de plus en plus fort. Là, ce sont les voix féminines qui prennent le relais, qui s'interpellent, s'expliquent à vive allure, le tempo s'accélère, le verbe est haut, on sent le drame, on récolte un rire tonitruant qui fait vibrer les nacos (soit disant anticyclonique, mais pas anti-rire-bwénis).
Un gamin passe en tapant sur une casserole, comme pour signifier la fin du 1er round. D'ailleurs, près du portail, ce sont eux que l'on entend, les enfants, les terribles enfants de Mayotte. Ils sont légions, incontrôlables, petits, actifs, et terriblement sonores, des gamins de 3 à 9 ans, des triples croches perdues sur une portée et qui s'affolent de ligne en ligne.
Deuxième round, plus brouillon.
Des cris, des appels, des pleurs, ça commence fort ! Un klaxon de voiture annonce le départ, les enfants rentrent de l'école ou se réveillent de leur sieste. Ils envahissent le village. Là, des chansons en français: "une souris verte qui courait....capitaine Bakoko a perdu son chapeau, je m'appelle Tassia, et toi, comment tu t'appelles ? " (oui la fin de la chanson a été modifiée dans le texte et le rythme, c'est plus dansant), puis "bateau sur l'eau...", suivi de comptines : "lundi, mardi, mercredi,....", "Lundi matin, l'empereur, sa femme, et le petit prince, sont venus chez moi ....", ou encore "un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept,.....", " A, B, C, D, E, F, G, ....". Ca s'enchaîne, s'entre-coupe, se perd dans la mangrove, revient vers la plage, puis dans le quartier, sans pause.
Juste derrière le portail, un ballon dégonflé voire éventré, rebondit comme il peut sur les murs ou le sol. Le bruit de frappe est étouffé, des jeux de jambes faisant s'envoler la poussière, et des appels brefs rejoignent le concerto.
Parfois, des rappels à l'ordre fusent de plusieurs endroits, histoire de calmer le jeu. Tournée de pleurs et de rire.
De la musique arrive pour couvrir tout ça, radio, téléphone portable, ou télé. Certains braillent par dessus, hommes, femmes, gamins.
Appel du muezzin, deuxième entracte.
Pas vraiment le silence, bruits de casseroles, des enfants jouent à la guerre (universel ), prière en fond sonore.
Fin de l'entracte.
Re-bruit de savates qui traînent sur des paroles d'hommes. Les discussions sont animées, et quelques scooters et voitures en profitent pour passer. Le ballon est toujours là, avec des "bonjour " répétitifs, des '"je veux manga ". Le volume sonore est à son maximum, l'aiguille tremble dans le rouge.
Tout d'un coup c'est le silence. Plus de note sur la portée. Le son revient doucement, celui de la télé, et que celui-là. C'est l'heure de la série brésilienne culte que tout le monde suit, du style "Amour, Gloire, et Beauté ", ou "Les feux de l'amour ". On ne rigole pas avec ça.
Le calme est là, le soleil décline, les grillons et grenouilles prennent le relais.
Ensuite quelques bakokos palabreront un peu, à côté de la mosquée, jusqu à 21 heures. Des gamins essaieront de veiller un peu plus, des jeunes passeront avec leur musique. Un zébu se plaindra encore une fois, et l'on entendra le cri du margouillat.
Puis ce sera le silence de la nuit.... jusqu'au lendemain matin, 4H30, l'appel du muezzin, et vers 5 heures, les bruits des balais sur le sol, la radio à fond, et les chants des coqs qui annonceront une nouvelle journée...sonore.
Voilà notre bruit autour de la maison, ici à Mayotte. Mais c'est du bruit humain, vivant, et pétillant. Parfois, c'est pénible, c'est vrai. On aimerait plus de calme et de tranquillité, car on a l'impression que ça ne s'arrête jamais.
Mais le pire est que quand on part en vacances, quand on quitte Mayotte, et bien au bout d'un moment, tous ces bruits exaspérants, toute cette agitation quotidienne, cette animation saoûlante, nous manquent.
Et pour reprendre Marcel, "Seul sur la plus belle plage du monde, la plus paradisiaque, avec les plus beaux cocotiers, et bien même si c'est magnifique, tu te fais chier ! Seul, tu te fais chier ! "
Le "bruit" c'est la vie.
Pour ceux qui veulent se mettre un peu plus dans la bain, vous pouvez réécouter le son "ambiance de village", colonne de droite piste 4.
"Il devrait faire chaud à Mayotte aujourd'hui. Il fait toujours chaud à Mayotte."
Mais là, il fait assez frais, vu que la lune ne va pas tarder à nous montrer son sourire étoilé. Les grosses chaleurs ne sont pas encore arrivées, alors on s'active.
Dehors, dans le village, c'est le bronx auditif, un mélange de sons qui se rencontrent, et qui explosent n'importe comment, juste pour faire du bruit. Et quel bruit !
Si vous voulez le vivre, voici ce qui parvient à mes oreilles.
Du plus éloigné au plus proche, arrive lentement et en basse le long beuglement lugubre d'un zébu, puis rapides et rythmés, des coups de marteaux sur la tôle; un chant de coq répétif qui tient le tempo, ensuite assez espacé, à la manière d'une grosse caisse, voilà le pilon qui s'écrase lourdement sur la farine; un moteur a du mal à démarrer, le disque est rayé, silence, le vent fait chanter les feuilles de bananiers, et les tôles sur les toits.
Le scooter est parti, on reprend. Non, place au muezzin, entracte.
Fin de l'entracte.
Des pieds se traînent sur le sol, les voix arrivent, graves et masculines, shimahoraises, palabres sérieuses entre-espacées de rires. On appelle un prénom suivi de ce "Ko" (viens), répété plusieurs fois et de plus en plus fort. Là, ce sont les voix féminines qui prennent le relais, qui s'interpellent, s'expliquent à vive allure, le tempo s'accélère, le verbe est haut, on sent le drame, on récolte un rire tonitruant qui fait vibrer les nacos (soit disant anticyclonique, mais pas anti-rire-bwénis).
Un gamin passe en tapant sur une casserole, comme pour signifier la fin du 1er round. D'ailleurs, près du portail, ce sont eux que l'on entend, les enfants, les terribles enfants de Mayotte. Ils sont légions, incontrôlables, petits, actifs, et terriblement sonores, des gamins de 3 à 9 ans, des triples croches perdues sur une portée et qui s'affolent de ligne en ligne.
Deuxième round, plus brouillon.
Des cris, des appels, des pleurs, ça commence fort ! Un klaxon de voiture annonce le départ, les enfants rentrent de l'école ou se réveillent de leur sieste. Ils envahissent le village. Là, des chansons en français: "une souris verte qui courait....capitaine Bakoko a perdu son chapeau, je m'appelle Tassia, et toi, comment tu t'appelles ? " (oui la fin de la chanson a été modifiée dans le texte et le rythme, c'est plus dansant), puis "bateau sur l'eau...", suivi de comptines : "lundi, mardi, mercredi,....", "Lundi matin, l'empereur, sa femme, et le petit prince, sont venus chez moi ....", ou encore "un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept,.....", " A, B, C, D, E, F, G, ....". Ca s'enchaîne, s'entre-coupe, se perd dans la mangrove, revient vers la plage, puis dans le quartier, sans pause.
Juste derrière le portail, un ballon dégonflé voire éventré, rebondit comme il peut sur les murs ou le sol. Le bruit de frappe est étouffé, des jeux de jambes faisant s'envoler la poussière, et des appels brefs rejoignent le concerto.
Parfois, des rappels à l'ordre fusent de plusieurs endroits, histoire de calmer le jeu. Tournée de pleurs et de rire.
De la musique arrive pour couvrir tout ça, radio, téléphone portable, ou télé. Certains braillent par dessus, hommes, femmes, gamins.
Appel du muezzin, deuxième entracte.
Pas vraiment le silence, bruits de casseroles, des enfants jouent à la guerre (universel ), prière en fond sonore.
Fin de l'entracte.
Re-bruit de savates qui traînent sur des paroles d'hommes. Les discussions sont animées, et quelques scooters et voitures en profitent pour passer. Le ballon est toujours là, avec des "bonjour " répétitifs, des '"je veux manga ". Le volume sonore est à son maximum, l'aiguille tremble dans le rouge.
Tout d'un coup c'est le silence. Plus de note sur la portée. Le son revient doucement, celui de la télé, et que celui-là. C'est l'heure de la série brésilienne culte que tout le monde suit, du style "Amour, Gloire, et Beauté ", ou "Les feux de l'amour ". On ne rigole pas avec ça.
Le calme est là, le soleil décline, les grillons et grenouilles prennent le relais.
Ensuite quelques bakokos palabreront un peu, à côté de la mosquée, jusqu à 21 heures. Des gamins essaieront de veiller un peu plus, des jeunes passeront avec leur musique. Un zébu se plaindra encore une fois, et l'on entendra le cri du margouillat.
Puis ce sera le silence de la nuit.... jusqu'au lendemain matin, 4H30, l'appel du muezzin, et vers 5 heures, les bruits des balais sur le sol, la radio à fond, et les chants des coqs qui annonceront une nouvelle journée...sonore.
Voilà notre bruit autour de la maison, ici à Mayotte. Mais c'est du bruit humain, vivant, et pétillant. Parfois, c'est pénible, c'est vrai. On aimerait plus de calme et de tranquillité, car on a l'impression que ça ne s'arrête jamais.
Mais le pire est que quand on part en vacances, quand on quitte Mayotte, et bien au bout d'un moment, tous ces bruits exaspérants, toute cette agitation quotidienne, cette animation saoûlante, nous manquent.
Et pour reprendre Marcel, "Seul sur la plus belle plage du monde, la plus paradisiaque, avec les plus beaux cocotiers, et bien même si c'est magnifique, tu te fais chier ! Seul, tu te fais chier ! "
Le "bruit" c'est la vie.
Pour ceux qui veulent se mettre un peu plus dans la bain, vous pouvez réécouter le son "ambiance de village", colonne de droite piste 4.