... un festival dans le lagon.
" La trombe marine, c'est bien, c'est joli, mais les raies Manta, ça c'est autre chose, ça a plus de gueule, et puis justement c'est la saison !", avait commenté Charlie après le succès des filles lors de leur dernière sortie.
" Qu'à cela ne tienne ! " a déclaré l'une des quatre drôles de dames, " Sus aux raies Manta ! "
Et c'est ainsi que nous partîmes (je dis "nous" car il faut préciser que deux des drôles de dames avaient cédé leur place aux conjoints des deux autres, non sans les avoir menacées des pires représailles si elles ne le faisaient pas. Les raies Manta c'est avant tout une affaire d'homme,... et puis si on peut pêcher en plus...Juste un peu...Bon ok, on va négocier.) à l'aube sur un lagon trop calme en cette saison.
Nous les avons cherchées des heures et des heures durant, scrutant la mer comme le ciel, espérant voir un bout d'aile, ou une grande forme sombre planant à la surface.
Mais rien à l'horizon, à part la nuageuse silhouette de l'île d'Anjouan.
Notre commander Céline désespérait, quand notre dévoué capitaine Djamel proposa en tout bien tout honneur d'aller pêcher, histoire de ne pas revenir bredouille. Si j'approuvai ce choix stratégique, le refus fut, lui, catégorique. On chercha encore. Les deux drôles de dames entêtées, qui ne ressemblaient plus vraiment à des Charlie's Angels, mais plutôt à des Hell's Angels, avaient des indics dans le lagon.
Huggy * la murène javanaise, pas très loquace,
et Maurice* le poisson globe, un moulin à paroles.
Oui ils avaient vu les Manta, un peu plus loin là-bas. D'ailleurs le quartier était devenu infréquentable depuis leur
arrivée, et le plancton se faisait rare.
Effectivement, un peu plus loin là-bas, ou pas très loin en tout cas, nous aperçumes à la surface une grande forme sombre qui
se déplaçait
dans un banc de fusiliers.
Deux, trois, quatre,... raies manta se gavaient tranquillement de plancton et de petits poissons, la bouche grande
ouverte,
en faisant d'incessants aller-retour.
Nous nous mîmes à l'eau, palmes masque et tuba, et là ce fut le bonheur, un " truc de malade mental " comme dira plus tard notre capitaine Djamel, une fois remis de ses émotions.
Inutile de palmer ou d'aller vers elles, les Manta sont curieuses. On restait immobile, et elles venaient nous voir, en se rapprochant de plus en plus, gracieuses et magnifiques.
Elles volaient, planaient en un ballet en en faire pâlir les petits rats de l'opéra d'Avignon.
Nous sommes restés deux bonnes heures avec elles, tellement nous étions sous le charme.
Ces raies Manta impressionnantes, de deux à quatre mètres d'envergure, sont totalement inoffensives.
Elles paradent dans les courants et sautent quelques fois hors de l'eau pour se déparasiter.
Pourquoi donc ce surnom de "diable des mers " ?
Merci encore à notre intraitable et obstinée commander Céline et à son capitaine Djamel. On n'a pas pêché, rien de rien, mais quelle rencontre ! Charlie peut aller se rhabiller, la mission est plus que réussie.
Pour ceux qui veulent en voir plus, d'autres photos sont développées dans l'album "Manta".
* Par un évident souci d'anonymat, ces noms sont purement fictifs. Maurice et Huggy tiennent à leur tranquillité, et à leur vie. Ce sont des indics professionnels. Ils portent aussi des postiches les rendant totalement méconnaissables.